Le clip musical
Au départ… Une idée et une réflexion
Le processus de création, dans n’importe quel domaine, est porté par la réflexion et l’écriture. Ces 2 fondamentaux fixent un projet et le rendent concret, du moins intellectuellement dans un premier temps. Très rapidement, la mise en œuvre rend le projet réalisable, et pour cela des étapes précises sont nécessaires.
Le scénario
Sur l’élaboration d’un clip de musique, le scénario est le squelette autour duquel va s’articuler votre réflexion. La particularité d’un clip, c’est qu’il est dépourvu de dialogue la plupart du temps. L’articulation artistique fait vite place au séquençage technique et à la planification d’un tournage.
Beaucoup de jeunes artistes n’ont pas énormément de moyens pour réaliser leurs projets, voir pas du tout. Ils ont juste l’envie et c’est déjà très important. Aussi, ils estiment un budget, le plus rationnel possible et cherchent des techniciens pour la mise en œuvre. La plupart n’ont pas la moindre idée d’un vrai budget et des méthodes de travail pour y parvenir. Sans compter qu’ils ne sont pas au courant que des aides financières régionales existent, en complétant des dossiers de demande correctement et en remplissant quelques conditions pour obtenir de 5600 à plus de 50 000 euros par projet. Avec une opération de crowdfunding, les donations et les proches, l’enveloppe peut devenir conséquente.
Europe KNSM, “Je rap” tourné en 2022 sur la presqu’ile de Giens et dans la ville de Hyères
Pour moi, il y a 2 façons d’imaginer l’élaboration d’un projet :
Imaginer et écrire le projet à partir d’un budget prédéfini.
Imaginer et écrire le projet sans restriction et se donner les moyens pour y parvenir.
L’un monte un projet avec des restrictions dès le départ, l’autre imagine son rêve et travaillera pour y parvenir du moment qu’il se réalise. Cette différence de fonctionnement n’aboutira jamais au même résultat sur la qualité d’un projet. Certes, l’un est moins long à être diffusé lorsqu’il s’agit d’un clip, mais l’autre est l’aboutissement d’un rêve. No pain, no gain !
Le bon processus
En fait la première véritable étape pour remplir les conditions d’acceptation des dossiers, est de se produire sur scène et de tenter de participer à des festivals pour se faire repérer, pour ensuite se faire produire par un « Producteur » ou un « Label ».
C’est à partir de là qu’un single est possible, un album ensuite, et un clip, voir 2 ou 3 sur l’album en question. C’est le chemin le plus sérieux et le plus académique pour y arriver. Si l’artiste a vraiment du talent, il n’y a pas de raison qu’il n’évolue pas dans le milieu.
Et même si les réseaux sociaux ont changé la donne pour certains, ils ne sont pas si nombreux. Mais si vous croyez en vous, n’hésitez pas. L’idée n’est pas de vous convaincre qu’il n’y a qu’une seule méthode. Je sais par expérience que les aides financières sont plutôt allouées aux artistes qui ont déjà quelques références à mettre en avant dans leur parcours. Chantez et jouez dans des bars, sur des scènes, sur des festivals et vous évoluerez en vue de vous faire produire par une maison de disques.
Ensuite, c’est un réalisateur qui doit se mettre aux commandes sous l’égide du producteur et la vison de l’artiste (ça c’est dans le meilleur des mondes). Si le réalisateur est dans son rôle, c’est la vision de l’artiste qui doit primer, à moins que l’artiste ait donné carte blanche au réalisateur. Eh oui, je parle vision, car les conflits entre le réalisateur et l’artiste sont monnaie courante si les rôles n’ont pas été bien définis à l’avance. Ou alors c’est l’artiste qui est aussi le réalisateur, ce qui est aussi possible.
Imaginons que l’artiste se donne les moyens pour sortir un clip et qu’il a des idées créatives qu’il veut mettre en œuvre avec une équipe technique. Il crée son aventure tout seul.
Ou alors imaginons qu’un producteur mandate un réalisateur qui va trouver une équipe technique pour la mise en œuvre du clip d’un artiste. Dans les deux cas, quel est le processus de fabrication d’un clip à partir de cette étape ?
Comme pour tout court-métrage, le tournage d’un clip vidéo se déroulera beaucoup plus facilement si vous avez une vision du séquençage avant le tournage. Monter un storyboard permettra d’éviter un nombre de pièges incalculables. Avec les artistes, déterminez les lieux, la conception des décors, l’éclairage, les costumes, le type de plan et les angles caméras.
No Jazz - Le titre Beautiful Life - 2019 - J’ai été cadreur et j’ai participé au montage.
Abscisse - Le titre Eternal Love - 2022 - L’idée original est de François Buffin. Nous avons réalisé et monté le clip avec Cédric Garnier. L’actrice Marine Gilles joue le rôle féminin au côté de François Buffin.
© Thierry Froment
Le repérage
Le clip est imaginé et écrit. Le papier c’est bien mais maintenant que les rôles sont distribués, il faut passer à l’action. Une des étapes dans le processus est de trouver les lieux de tournages. En intérieur, en extérieur, en studio. Chaque postes et lieux doivent être définis pour connaître les disponibilités, les coûts et aussi obtenir les autorisations de tournage.
Les lois françaises sont ainsi faites, avec nombre de règles pour obtenir toutes les autorisations et organiser le tournage, cela prend du temps. Il vaut mieux donner cette partie du job à un chargé de production et un producteur exécutif pour parvenir au bout de cette étape.
Il est important de se rendre sur les lieux où vous souhaitez filmer avant le début du tournage. Il arrive souvent qu’on ne se rende pas bien compte de l’espace qui a été imaginé. C’est important de faire des tests avec un appareil photo et de se faire une bonne idée de ce qui sera réalisable ou non.
La préparation et l’organisation d’un tournage sont des jobs à part entière. C’est la partie la plus administrative du projet. Mais c’est nécessaire pour parvenir à aboutir dans les bonnes conditions de tournage.
© Studio Bellimage
Le tournage
Une fois le scénario terminé et bien ficelé, les autorisations de tournage sont ok, les équipes sont en place, on rassemble tout le monde et on commence à tourner. Il faudra parfois attendre plusieurs mois, soit parce qu’on a pas encore réuni le budget (les principales commissions d’attribution d’aide ou de subvention ont lieu tous les 6 mois pour les fictions, et 5 à 6 fois par an pour les clips musicaux), soit parce que ce n’est pas la bonne saison, ou que l’équipe a du mal à se rassembler autour de ce projet. Le tournage s’étend en général sur 2 ou 3 jours, parfois plus selon les moyens mis en place.
Le processus de création entre en ligne de compte et peut éventuellement s’arranger de petites variantes pendant le tournage pour laisser libre cours à des choix de montage sur le poste de « post-production ». Des « inserts » peuvent être ajoutés aussi. Même si le tournage est très organisé, il ne faut jamais figer dans le marbre la préparation tant que les délais sont respectés. Le rôle du « Producteur délégué » est aussi là pour vérifier que les clauses des contrats sont bien respectées pour tous.
© Studio Bellimage
La caméra
Eh bien oui ! Il faut que j’en parle un peu, c’est précisément mon domaine !
Le matériel utilisé se prépare comme pour une fiction en général. C’est bien d’un court-métrage qu’il s’agit. Il faut envisager une caméra, peut-être deux. Le tournage peut se faire en caméra DSLR comme le Sony A7S3 ou le FX3. Ou alors avec une caméra numérique comme la FX6 ou la FX9 pour rester dans la gamme Sony. Mais les caméras les plus utilisées dans le monde de la fiction sont la RED ou l’excellente ALEXA de chez ARRI. Cet engin ne pèse pas moins de 80 000 euros pour l’écosystème complet et l’image pourra se disséquer en finesse sans que techniquement, rien ne soit à redire.
J’affirmerais cependant que la différence aujourd’hui entre un bon DSLR et une caméra de cinéma est celle d’un bon vin contre un grand cru. Si l’écart se rétrécit à chaque sortie de nouveau matériel, nous pouvons être certains que les DSLR qui sortiront dans les années à venir sauront s’enrichir des possibilités qu’offre les caméras haut de gamme d’aujourd’hui. C’est inéluctable !
© Studio Bellimage
Les autres essentiels
La lumière, c’est notre pire amie ou notre ennemie, ça dépend. Il faut la dompter et c’est toute une science. Pour ma part, j’utilise du LED sous forme de panneau ou sous forme de COB. Qui dit lumière dit réflecteur, diffuseur, drapeau, pieds de levage et une multitude d’accessoires. Sur un clip, la lumière représente beaucoup de temps de mise en place. C’est un poste important qui exige du savoir-faire et de l’expérience. Il est géré par le directeur photo et les électros.
L’audio est parfois exigé, mais pas si souvent. Le micro perche et les micros-cravates sont alors de rigueur avec une console de mixage et d’enregistrement comme toute fiction qui se respecte. Il est géré par l’ingénieur du son et les preneurs de son.
Et puis nous pouvons citer le script, les décorateurs, les maquilleuses et/ou coiffeuses, les costumières, le chorégraphe pour les danseurs, l’équipe du catering pour la gestion des repas, les assistants pour toutes les petites tâches, le régisseur pour la multitude de tâches annexes sur un tournage, et parfois même le chauffeur d’un car pour le transport de l’équipe et du matériel.
© Thierry Froment
La post-production
La post-production représente toutes les étapes qui suivent le tournage. La principale étant le montage.
C’est encore un autre processus créatif qui va mettre bout à bout toute la vision du réalisateur et de l’artiste en place. La magie doit opérer pour faire vibrer les spectateurs de l’œuvre qui se construit en image sur cette étape. Je pourrais développer. C’est sans compter les effets spéciaux qui peuvent s’ajouter au processus. Mais c’est un sujet à part entière.
La diffusion
Le clip est réalisé, il faut maintenant le diffuser. Et si la télévision est restée longtemps l’unique vecteur, aujourd’hui l’internet est l’outil le plus efficace pour se faire connaître en tant qu’artiste. Le travail du producteur, avec l’aide d’un diffuseur et d’ID manager est de permettre au clip d’être visible par le plus grand nombre. Le fait de mettre le clip en ligne ne suffit évidemment pas. C’est comme jeter une bouteille à la mer. L’idée est de faire vendre le single ou l’album par un clip qui donne envie de voir le reste de l’œuvre d’un artiste. Même si les codes ont quelque peu changé, l’artiste ne doit jamais oublier qu’il se donne l’opportunité d’être visible en diffusant un clip. Mais c’est tout un travail la diffusion et le référencement d’une œuvre. Rien n’est gagné à cette étape sans stratégie commerciale.
Il faut se rappeler que MTV a diffusé son premier clip vidéo en 1981 avec « Video Killed the Radio Star » des Buggles.
Ces courts-métrages musicaux représentent un maillon d’une industrie. Ils sont devenus des outils de marketing de choix pour amplifier les carrières musicales, pour se donner les moyens d’expressions artistiques, de satires et de commentaires sociaux. Certains ont lancé des carrières ou ont inspiré des tendances. Aujourd’hui, c’est YouTube et Vevo qui sont les moyens de diffusion principaux.
Mais pour décrire les codes du business de l’industrie de la musique, il me faudra écrire un autre article.
© Studio Bellimage